Un livre blanc pour tout savoir sur la Gazéification Hydrothermale

Présentation du livre blanc à travers une interview d'un des auteurs (Robert Muhlke - GRTgaz) et d'un acteur territorial co-auteur de l'ouvrage (Denis Musard - Cerema Ouest).
Portraits de Robert Muhlke de GRTgaz (photo : Jean-Christophe Marmara) et Denis Musard (Cerema Ouest)

Technologie innovante permettant la production de gaz renouvelable et bas-carbone à partir de déchets organiques humides, la Gazéification Hydrothermale méritait de se voir offrir une chance pour son développement. GRTgaz en a pris l’initiative dès 2021 sous la forme d’un Groupe de Travail (GT) faisant collaborer industriels, collectivités locales, équipementiers, associations et bureaux d’études. Le résultat : un livre blanc paru ce début d’année pour préparer l’industrialisation de la filière. Robert Muhlke, responsable Gazéification Hydrothermale chez GRTgaz, et Denis Musard, Directeur adjoint au Cerema Ouest, nous le présentent.

Livre blanc Gazéification Hydrothermale


Pourquoi cet ouvrage ?

Robert Muhlke : La motivation initiale était de faire découvrir cette technologie aux acteurs industriels, collectivités territoriales, décideurs politiques, institutionnels et toutes autres parties prenantes. Le livre blanc fait le point sur ses atouts et ses perspectives en France et en Europe. Le cadre réglementaire sur lequel la filière pourra s’appuyer reste à définir. Nous abordons tous les autres aspects : les différents gisements de déchets valorisables dans les territoires, le fonctionnement du procédé, sa valeur ajoutée par rapport à l'incinération, la chaîne de valeur impliquée, les business models et le bilan économique qu’il représente à grande échelle. C'est un ouvrage très complet, dont la vocation est d'être partagé avec les parties prenantes et un public averti. Sa publication a été annoncée lors du salon Bio 360 de Nantes le 8 février dernier aux côtés de plusieurs partenaires. Parmi eux, figure notamment le Cerema, co-auteur de cet ouvrage, copilote pour la partie réglementaire et technique.

Denis Musard : L’idée était d’aller à la rencontre des territoires avec des réponses à leurs problématiques d’approvisionnement en gaz et de valorisation de déchets, en tant qu’organisme public voué à accompagner leur développement durable. Il n'y avait pas de précédent proposant un état de l’art de la filière : l’idée du livre blanc s’est imposée pour disposer d’un outil de référence sur les solutions proposées par la Gazéification Hydrothermale. Nous l’avons nous-même découverte quand nous avons identifié le projet de démonstrateur (appelé maintenant GHAMa), qui figurait parmi les candidats retenus en accompagnement de la fermeture programmée de la centrale EDF à charbon de Cordemais, dans le département de Loire-Atlantique. Nous avons contribué à une étude de faisabilité argumentée du démonstrateur. Pour nous, cette technologie est une sorte de pierre de voûte qui manquait jusqu’ici pour créer une économie circulaire du gaz renouvelable et bas-carbone, avec une approche écosystémique : elle complète ou apporte une alternative à la méthanisation et la pyrogazéification (production de gaz renouvelables et bas-carbone à partir de déchets solides) et permet un cycle de recyclage complet des déchets organiques en dépolluant et récupérant les éléments utiles comme l’azote, les minéraux et l’eau, consommés ou rendus au sol, avec un bon bilan carbone. Nous avons eu le sentiment d’être des pionniers de son développement en travaillant aux côtés des salariés de GRTgaz, chez lesquels nous avons rencontré un esprit de coopération créative, mais aussi des acteurs locaux, des start-ups et des labos d’innovation engagés dans l’aventure. Cette alchimie stimulante nous a permis de construire une vision claire de ce qu’apportera cette filière à l’avenir. 

Justement, comment le livre blanc envisage-t-il l’avenir de la filière ?

Robert Muhlke : Dans cet ouvrage, nous avons aussi cherché à expliquer comment cette technologie peut soutenir le marché gazier en France et en Europe et contribuer à leur sécurité d’approvisionnement. Nous espérons participer au développement d'une filière industrielle sur tout le territoire national d'ici 2026, ce pourquoi il nous faut faciliter l'émergence de premiers projets industriels. Pour l'heure, ce sont surtout les Pays-Bas et la Suisse qui sont en avance sur nous, mais la France peut rapidement devenir un acteur majeur de cette technologie et fournir au moins 15 % (≥ 50 TWh/ an), voire davantage de la consommation française de gaz estimée à 320 TWh / an d'ici 2050. Il faudra notamment compter sur le soutien des pouvoirs publics. Les projets pionniers comme le projet GHAMa, visant la dernière étape du développement R&D de la technologie, ne peuvent reposer qu’en partie sur des partenaires privés pour réussir ce cap indispensable avant son industrialisation.

Denis Musard : Nous poursuivons un travail de conviction pour faire comprendre le potentiel et la complémentarité de la Gazéification Hydrothermale aux côtés des autres énergies renouvelables et bas-carbones. Depuis l’année dernière, avec le conflit ukrainien et la pénurie d’énergie, le contexte des gaz renouvelables évolue dans un sens favorable. Nous allons continuer à travailler auprès des instances nationales pour faire avancer ce dossier, mais aussi pour sensibiliser les collectivités afin qu’elles ne négligent pas le gaz qui peut s’avérer un véritable outil d’autonomie locale.
 

« AFRY est convaincu que la Gazéification Hydrothermale sera une technologie de rupture pour les déchets organiques humides. »

Martin Brandenberger

Senior Process Engineer Thermal & Renewable Energy pour AFRY (Suisse)

« Leroux et Lotz Technologies est engagé dans le développement de la filière de production de gaz renouvelable et bas-carbone par Gazéification Hydrothermale, cela en tant que développeur et fournisseur de la technologie clé en main. Notre ambition est de lancer la commercialisation de cette technologie en 2026. »

Sofiane Zalouk

R&D Manager / Responsable R&D pour LEROUX & LOTZ TECHNOLOGIES

« La promesse de la technologie de Gazéification Hydrothermale décrite dans le livre blanc pourra compléter l’écologie des solutions locales de production d’énergie décarbonée et de recyclage des matières de Veolia. C’est notre rôle de leader de la transformation écologique que de contribuer à faire émerger des solutions novatrices dans un écosystème industriel. »

Paulo Fernandes

Responsable performance assainissement et boues VEOLIA

La Gazéification Hydrothermale, qu’est-ce que c’est ?

Ce traitement thermochimique convertit en biogaz des déchets organiques humides, comme les boues de stations d’épuration ou les effluents des activités industrielles ou d’élevage. Leur masse liquide est comprimée à 300 bars et chauffée à haute température, entre 400 et 700°C : le carbone combiné à l’hydrogène contenu dans l’eau des déchets se transforme ainsi en gaz à haute pression. L’opération élimine au passage les résidus pathogènes (bactéries, virus, micropolluants) et sépare les sels minéraux, valorisables sous forme d’engrais pour l’agriculture. La partie liquide restante est une eau saturée en CO2 et riche en azote, également valorisable. Le biogaz obtenu est épuré pour être injecté dans le réseau de transport de gaz, ou alimenter directement une station bioGNV.

La Gazéification Hydrothermale est un procédé complémentaire à la pyrogazéification, qui ne traite que des intrants secs, mais offre surtout des solutions de valorisation alternatives à l'incinération des boues d’épuration et à l'épandage des digestats de méthanisation (de plus en plus surveillé par les normes réglementaires et environnementales).

L’aboutissement d’un travail collectif

Le livre blanc sur la Gazéification Hydrothermale est le résultat de la collaboration du groupe de travail initié par GRTgaz en 2021, réunissant 27 participants : énergéticiens et gaziers (GRDF, Leroux & Lotz...), spécialistes de l’assainissement (Suez, Saur, Vinci Environnement, Veolia...), conseils en ingénierie (AFRY, Naldeo Technologies & Industries…), laboratoires de recherche (CEA Liten à Grenoble…), collectivités locales (CARENE-Saint-Nazaire Agglomération…), startups en France et en Europe (TreaTech en Suisse…).

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