Pour la CRE, les infrastructures gazières resteront capitales pour atteindre la neutralité carbone en 2050
Aura-t-on toujours besoin des infrastructures gazières actuelles en 2050, lorsque la France aura atteint la neutralité carbone ? Dans un rapport intitulé « Avenir des infrastructures gazières aux horizons 2030 et 2050, dans un contexte d’atteinte de la neutralité carbone », la Commission de régulation de l’énergie (CRE) répond clairement à la question et annonce un futur décarboné dans lequel les réseaux de transport, de distribution et autres infrastructures gazières continueront à jouer un rôle déterminant. Ils se révèlent même clés pour réussir la transition et assurer la souveraineté énergétique du pays d’ici à la moitié du siècle.
Pour parvenir à ces conclusions, la CRE, autorité administrative indépendante référente sur les questions énergétiques, a projeté l’impact de trois scénarios de production et de consommation de gaz, sur les infrastructures gazières à horizon 2030 et 2050.
Proposés par l’ADEME, les deux premiers scénarios anticipent pour 2050 des consommations de gaz de 165 ou de 245 TWh. Le troisième, projeté par les gestionnaires de réseau dont GRTgaz, table sur une consommation de 320 TWh.
Dans tous les cas, la France aura toujours besoin de réseaux de gaz mais les défis sont grands : « Les infrastructures de réseaux énergétiques (…) devront accueillir les nouvelles sources de production décarbonées, s’adapter aux nouveaux profils de consommation et faire face, pour les infrastructures gazières, à une baisse de la consommation ». En effet, la CRE confirme dans ses analyses que le gaz renouvelable jouera un rôle majeur dans la transition énergétique. L’autorité indépendante estime que plus un seul mètre cube de gaz naturel d’origine fossile ne circulera en France d’ici 2050. Conséquence, la consommation annuelle de gaz sera entièrement couverte par des gaz renouvelables. Pour GRTgaz, ce rapport confirme le devenir de la filière méthanisation, mais aussi des autres filières de gaz renouvelables comme la pyrogazéification ou la gazéification hydrothermale.
Les 3 grands enseignements du rapport à retenir
Dans un avenir sans gaz d’origine fossile, le réseau de transport gardera toute son utilité, conclut la CRE. Il permettra en particulier de faire face aux déséquilibres entre production et consommation, d’assurer un approvisionnement flexible avec l’interconnexion des stockages mais aussi les flux de transit vers les pays voisins. Le réseau de transport devra toutefois être adapté à la généralisation des gaz renouvelables, dont la production sera disséminée sur l’ensemble du territoire, mais il devra aussi prendre en compte la baisse générale de la consommation. « Nous aurons toujours besoin de notre grand réseau de transport, à la fois pour être sûr, en matière de sécurité d'approvisionnement et de gestion de la pointe, et à la fois parce que nous sommes un pays de transit », a résumé Emmanuelle Wargon, la présidente de la CRE.
Le réseau de transport principal restera stratégique et se révèle bien dimensionné. Seules 3 à 5 % des canalisations seront « libérables » et au moins 7 stations de compression, soit 27 % de leur nombre actuel. Les canalisations libérées pourraient être réutilisées dans le cadre du développement d’un réseau de transport d’hydrogène, précise la CRE. L’hydrogène renouvelable et bas-carbone est en effet appelé à jouer un rôle croissant au fil des années dans le mix énergétique français. Les besoins de transit transfrontalier justifient à eux seuls le maintien de 2 à 3 % des canalisations globales.
Le besoin d’investissement dans les infrastructures gazières pour intégrer la transition vers 100 % de gaz renouvelables est estimé entre 6 et 9,7 milliards d’euros jusqu’à 2050, soit 200 et 300 millions d’euros par an. Le chiffre est relativement limité par rapport au niveau actuel d’investissement réalisés par les gestionnaires de réseaux, dont GRTgaz (1,3 milliard d’euros par an), et « d’un ordre de grandeur largement en deçà des montants nécessaires d’adaptation des réseaux d’électricité pour accueillir la production renouvelable », précise le rapport. Ce faible coût d’adaptation offre aux gaz renouvelables un atout supplémentaire.
La CRE appelle à tenir compte de l’imbrication entre les différents réseaux énergétiques. En effet, le degré de complémentarité entre système gazier (CH4 bas-carbone ou H2) et électrique reste à définir à horizon 2050 et dépendra du mix électrique et des choix en matière de chauffage.
Le rapport se penche bien sûr sur les autres facettes de l’infrastructure gazière. Dans le domaine du stockage de gaz, la CRE anticipe des besoins en baisse. Le stockage servira à couvrir des besoins de pointe de consommation plus que les évolutions saisonnières, comme c’est le cas aujourd’hui. Les cavités salines, l’une des formes de stockage souterrain, pourraient être converties et dédiées à plus long terme au stockage de l’hydrogène. Enfin, qui dit avenir sans gaz naturel d’origine fossile ne dit pas abandon des terminaux méthaniers. La France en compte quatre, et un flottant en cours de construction au Havre. Pour la CRE, ils continueront à jouer un rôle pour la sécurité d’approvisionnement jusqu’à 2040 au moins, dans le transit avec des pays voisins et en réponse à d’éventuels aléas d’ampleur. Ils pourraient en outre servir à l’exportation de CO2 ou aux importations d’hydrogène, de méthanol ou encore d’ammoniac.
Et après ? A quoi va servir le rapport de la CRE
Réalisé à la demande de la Direction générale de l'Énergie et du Climat (DGEC), rattachée au ministère de la Transition écologique, le rapport va aider à établir les prochaines Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE 3, 2024-2033) et Stratégie Nationale Bas-Carbone (trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre jusqu’à 2050), plans officiels de la France pour mener sa stratégie de transition énergétique. Il permettra également à la CRE d’adapter les dispositions commerciales et régulatoires des infrastructures gazières.